Tu connais ce genre de vidéos où tout semble parfait, la lumière californienne, le monologue profond d’un surfeur barbu, et un ralenti sur fond de guitare acoustique ? Celle-ci n’en fait pas partie. Et c’est tant mieux.
Ici, on parle de vrais gens, de vraies planches, et d’un vrai moment de vie. D’un côté, Tristan Mausse, alias Fantastic Acid, shaper français qui a redonné ses lettres de noblesse aux hulls — ces planches à ventre rond qui glissent comme des savonnettes sur un carrelage mouillé. De l’autre, Yrwan Garcia Leal, musicien, glisseur, et pote de longue date. Ensemble, ils nous offrent une parenthèse aussi drôle qu’inspirante sur ce que peut être le surf quand il est vécu pleinement.
La vidéo commence avec les filles de Tristan qui nous balancent direct la vérité : “Papa fait des planches parce qu’il aime ça”. Voilà. Tout est dit. Le ton est donné. Pas de stratégie marketing ou de storytelling à l’américaine. Juste un gars qui aime ce qu’il fait, et ça se voit.
Dans l’atelier de Tristan, les résines se mélangent aux souvenirs, les planches vintage côtoient les dernières expérimentations. On comprend vite que ce n’est pas juste un métier : c’est une quête. Celle du shape parfait, du rail qui accroche juste ce qu’il faut, du V sous la carène qui fait glisser sans freiner. Une quête d’équilibre entre hydrodynamisme (j'ai vraiment écris ce mot) et sensations.
Ce qui fait mouche, c’est la simplicité des échanges entre Yrwan et Tristan. Pas de posture, pas de blabla. Ils se vannent, discutent design, parlent sensations. On entend tout : la recherche du “hover”, du glide, cette envie de ne plus avoir à forcer, mais simplement ressentir. Ça parle à tous ceux qui ont déjà rêvé de léviter sur une vague sans avoir à taper un seul bottom turn.
Et puis il y a ce moment génial où Yrwan demande : “Tu peux mettre un petit moteur sous la planche, genre discret ?” Voilà. On est entre passionnés qui ne se prennent pas trop au sérieux. Et pourtant, derrière les vannes, il y a un vrai respect pour l’artisanat, pour cette culture surf souvent éclipsée par l’image lisse et aseptisée vendue par l’industrie.
Ce qui frappe aussi, c’est l’engagement des deux gars dans leur mode de vie. Tristan a façonné son quotidien autour de sa passion, sans compromis. Il ne parle pas d’ambition ou de carrière, mais de feeling. Il shape parce qu’il aime ça, il surfe parce que ça le rend heureux. Point barre.
Yrwan, lui, joue de la musique, surfe quand il peut, vit simplement. Il ne se dit pas rockstar, juste quelqu’un qui a choisi de faire ce qu’il aime, même si ce n’est pas toujours facile. Et c’est ce choix-là qui rend le récit fort. Parce qu’on sent qu’ils ne trichent pas. Qu’ils ont refusé le confort pour suivre leur propre vague, leur propre glisse intérieure.
Petite parenthèse, son nom d'artiste est YGGL, et c'est pas mal du tout, j'écoute sa musique depuis le visionnage de cette vidéo.
La planche hull, c’est un peu comme la vie selon Tristan : tu ne la domines pas, tu la suis. Tu ne la fais pas plier à ta volonté, tu t’adaptes à elle. Tu lâches prise. Et ça fait du bien d’entendre ça dans un monde où l’on valorise souvent la performance, la vitesse, le résultat.
La glisse devient ici une forme de méditation, un espace de retour à soi (des fois, je me fais peur quand j'écris ce genre de phrase). Ce n’est pas spectaculaire, ce n’est pas Instagrammable, mais c’est réel. Et franchement, qu’est-ce qu’on a envie d’aller surfer après avoir vu ça.
Petit clin d'œil à Kelly, le réalisateur. Son français est irréprochable, son œil bienveillant, et son humour à propos. Il filme avec justesse, sans effet superflu, en laissant parler les silences, les regards, les gestes. Il s’efface pour mieux faire émerger la vérité des moments captés. Respect.
Cette vidéo, c’est plus qu’un portrait croisé. C’est une déclaration d’amour au surf sans ego, à l’amitié vraie, au geste juste. À ceux qui cherchent une autre manière de vivre leur passion. À ceux qui, comme Tristan et Yrwan, ont compris que le vrai luxe, c’est le temps de glisser.
Et si ça vous donne envie de tester un hull, de fabriquer votre planche dans le garage, ou de dire non à un taf chiant pour faire de la musique... alors c’est que le message est passé.