27 millions de tonnes de nanoplastiques dans l’Atlantique Nord

23 juillet 2025

Il est invisible à l’œil nu, et pourtant il est partout. Dans l’eau que l’on boit, dans l’air que l’on respire, dans notre sang qui circule. Ce fléau, ce sont les nanoplastiques, ces particules plastiques minuscules, encore plus petites que les désormais tristement célèbres microplastiques. Une nouvelle étude, publiée dans la prestigieuse revue Nature, vient de lever le voile sur leur ampleur dramatique dans l’Atlantique Nord : 27 millions de tonnes de nanoplastiques y flotteraient actuellement. Une pollution invisible de plus pour notre terrain de jeu préféré.

Nanoplastiques : plus petits, plus sournois

Les nanoplastiques sont définis comme des particules de plastique de moins d’un micromètre. C’est-à-dire cinq fois plus petits que les microplastiques (inférieurs à 5 micromètres), eux-mêmes déjà reconnus comme une menace écologique et sanitaire.

Ces nanoparticules proviennent principalement de la dégradation continue des microplastiques sous l’effet du soleil, des vagues, des courants, mais aussi de la digestion par certains animaux marins. Leur taille infinitésimale leur permet de traverser les membranes cellulaires, et donc de s’infiltrer dans les tissus vivants, humains compris.

Une première quantification à grande échelle

Jusqu’à récemment, la communauté scientifique manquait cruellement de données sur l’ampleur réelle de la pollution aux nanoplastiques. C’est ce qui rend cette nouvelle étude, menée par le Royal Netherlands Institute for Sea Research (NIOZ) et l’Université d’Utrecht, si cruciale. À bord du navire de recherche RV Pelagia, les scientifiques ont collecté de l’eau de mer à douze endroits différents, entre les eaux subtropicales de l’Atlantique et les côtes européennes.

En filtrant soigneusement les particules de plus d’un micromètre, ils ont ensuite analysé le résidu au laboratoire grâce à la spectrométrie de masse, une technique permettant d’identifier les types de plastique présents. Le résultat ? Une quantité sidérante de nanoplastiques, jamais mesurée auparavant.

“Un chiffre choquant, mais qui nous permet enfin de comprendre où est passé le plastique manquant”, explique Sophie ten Hietbrink, étudiante en master et co-autrice de l’étude.

Le paradoxe du plastique manquant

Ce “plastique manquant” est un mystère scientifique depuis des années. On sait que des centaines de millions de tonnes de plastique sont produites chaque année, et une grande partie finit dans l’environnement. Pourtant, lorsqu’on mesure la quantité de plastique flottant dans les océans, les chiffres semblent étonnamment bas.

La découverte de cette immense masse de nanoplastiques pourrait donc résoudre cette énigme. Elle suggère que beaucoup du plastique jeté a tout simplement été réduit à l’échelle nanométrique, échappant ainsi aux mesures classiques.

Un impact écologique et sanitaire inquiétant

Mais ce n’est pas qu’une question de chiffres. Les nanoplastiques, du fait de leur extrême petitesse, peuvent pénétrer profondément dans les organismes vivants. Des études menées in vitro sur des cellules humaines ou in vivo sur des souris ont montré des effets alarmants : inflammations, stress oxydatif, troubles métaboliques, dérèglement du microbiote intestinal, voire neurotoxicité.

Chez les espèces marines, leur présence pourrait bouleverser les chaînes alimentaires, de la plus petite larve de plancton jusqu’aux grands prédateurs… et à l’humain, dernier maillon.

L’Atlantique, épicentre de la pollution

L’étude révèle que l’Atlantique Nord, et en particulier les zones de convergence comme les gyres subtropicaux (tourbillon océanique géant formé par les vents dans les zones subtropicales), agit comme une trappe à plastique. Les courants y accumulent les déchets venus de tous horizons : fleuves, atmosphère, navires, littoraux… Autant de voies par lesquelles le plastique rejoint l’océan.

“Il y a probablement plus de plastique sous forme de nanoparticules dans l’Atlantique que de microplastiques ou macroplastiques dans tous les océans réunis”, affirme le professeur Helge Niemann, chercheur au NIOZ.

Une urgence mondiale encore ignorée

L’accumulation de nanoplastiques n’est pas une problématique locale ou ponctuelle. C’est une crise mondiale, silencieuse, mais d’une ampleur colossale. Car contrairement aux sacs plastiques ou aux bouteilles qu’on peut encore ramasser sur une plage, les nanoplastiques ne se nettoient pas. Ils sont trop petits, trop disséminés, trop omniprésents.

Et pourtant, la production de plastique ne faiblit pas. Chaque jour, des millions de tonnes supplémentaires sont fabriquées, utilisées, puis oubliées, avec des conséquences qui s’étendront bien au-delà de notre génération.

Un tournant pour la recherche… et pour l’action ?

L’étude du NIOZ et de l’Université d’Utrecht marque une avancée majeure dans la compréhension de la pollution plastique. En quantifiant pour la première fois les nanoplastiques à l’échelle océanique, elle met en lumière l’urgence d’une réponse collective.

Réduction de la production de plastique, meilleure gestion des déchets, innovations dans les matériaux biodégradables, réglementation plus stricte, sensibilisation du grand public : les leviers existent, mais le temps presse.

Invisible, mais dévastateur. Le plastique que nous rejetons finit toujours par revenir, sous des formes de plus en plus insidieuses. Les 27 millions de tonnes de nanoplastiques dérivant aujourd’hui dans l’Atlantique Nord ne sont qu’un symptôme d’un mal plus profond : notre dépendance au plastique, et notre incapacité à en gérer les conséquences.

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