Le combat de Jérémy Florès : de la vague au vertige de la maladie

4 juin 2025

Derrière les victoires en série et les tubes parfaits, un autre défi attendait Jérémy Florès. Invisible. Implacable. Depuis 2022, le meilleur surfeur français de l’histoire affronte une tumeur cérébrale. Un bouleversement intime qu’il révèle dans le bouleversant documentaire Dos au mur.

Un champion français devenu icône mondiale

Révélé à 18 ans en 2006, Jérémy Florès devient alors le plus jeune surfeur de l’histoire à se qualifier pour le World Tour. Une ascension fulgurante ponctuée de premières historiques : premier Français vainqueur sur le CT à Pipeline (2010), un score parfait à Teahupo’o (20/20 en 2011), une victoire mythique à la maison lors du Quiksilver Pro France.

Mais derrière cette success story, l’enfant de La Réunion portait déjà des blessures invisibles.

Les prémices d’un mal profond

Avant même son retrait du circuit en 2021, des signes s’accumulent. Fatigue chronique, migraines violentes, recours quotidien aux anti-inflammatoires. Au départ, Jérémy met ces douleurs sur le compte de ses multiples chutes, des traumatismes liés à une vie entière passée à défier l’océan.

Mais à l’automne 2022, le verdict tombe : une tumeur est détectée à la base de son cerveau. Le ciel s’écroule.

« Tu ne peux pas être préparé à ce genre d’annonce. Le pire moment de ma vie. »

Il confesse aussi avoir longtemps gardé le silence, par fierté. « Je suis quelqu’un de très fier, je n’ai jamais eu envie de montrer mes faiblesses. » Ce n’est qu’à travers ce documentaire qu’il a choisi de tout dire, comme une forme de libération : « Les gens qui me suivent depuis longtemps ont le droit de savoir. »

Un choc, puis une plongée intérieure

La nouvelle frappe Jérémy alors qu’il pensait tourner une page paisible. Jeune père, il imaginait profiter de la vie, loin des compétitions, auprès de sa famille. Mais l’opération devient inévitable. Risquée. À l’issue incertaine.

En octobre 2022, il subit une intervention en condition éveillée à Montpellier, supervisée par le neurochirurgien Hugues Duffau.

« Pendant plusieurs semaines, je n’ai fait que pleurer. Pourquoi moi, pourquoi maintenant ? »

La convalescence est rude : Jérémy doit réapprendre à parler, lire, écrire. Il raconte avoir eu des pertes de mémoire si sévères qu’il ne reconnaissait plus ses enfants. Aujourd’hui encore, il vit avec des séquelles. Des IRM réguliers permettent de suivre l’évolution des 10 % de la tumeur encore présents.

« Niveau mémoire, je suis encore loin d’être au top. » plus jamais surfer.

Des cicatrices invisibles : santé mentale et sport de haut niveau

Le documentaire STRoNG, aussi forts que fragiles, diffusé sur Prime Video, avait déjà levé le voile sur une autre facette du champion : la santé mentale. Dépression, burn-out, perte de repères, pensées noires… autant d’épisodes douloureux que Florès a traversés avant même son diagnostic physique.

« Je n’ai jamais fait de tentatives suicidaires, mais j’y ai pensé. Quand tu ne ressens plus d’émotions, tu te demandes à quoi bon. »

La performance cache souvent des souffrances. Derrière les podiums, l’athlète accumulait le poids des attentes, de la pression, et d’un rythme effréné qui ne laisse pas place à l’introspection.

La famille comme bouée de sauvetage

Sa rencontre avec Hinarani de Longeaux, ex-Miss Tahiti, a été un tournant. Leur couple devient un refuge, un socle. Puis la naissance de leurs enfants, en particulier celle de leur fille Hinahei, agit comme une véritable renaissance.

« Elle m’a guéri. Elle a cicatrisé toutes ces plaies un peu à vif. »

Aujourd’hui, c’est dans ce cocon qu’il puise la force de continuer. Le surf reste là, mais la priorité, désormais, c’est le présent. Chaque jour.

“Dos au mur” : un documentaire poignant

Réalisé par Julie et Vincent Kardasik, Dos au mur sera diffusé le 16 juin sur Canal+ Docs. Ce film suit Jérémy dans son intimité, depuis son retrait du circuit jusqu'à l'opération, en passant par son engagement auprès de la jeune génération française (Kauli Vaast, Vahine Fierro). On y découvre aussi son rôle de père, d’entraîneur, et d’homme confronté à sa plus grande peur.

Documenté comme un hommage à sa carrière et à sa résilience, Dos au mur explore les multiples facettes de Florès : le compétiteur féroce, l’enfant réunionnais, le mentor de Kauli Vaast, le père, le mari, le survivant. Kelly Slater, son père Patrick, ou encore sa compagne y livrent des témoignages bouleversants.

Le film ne montre pas seulement des exploits. Il dévoile un homme, dans ses forces et ses fragilités, dans ses larmes comme dans ses sourires. Un surfeur qui apprend à vivre autrement, sans calendrier ni pression.

Une inspiration pour toute une génération

Aujourd’hui âgé de 37 ans, Jérémy Florès vit avec sa tumeur. Aucun miracle, pas de rémission totale annoncée. Mais il est là. Vivant. Et surtout, lucide.

« Je vis au jour le jour, et j’espère, le plus longtemps possible. »

Son témoignage brise les tabous sur la maladie, physique ou mentale. Il incarne une autre vision du surf de haut niveau, plus humaine, plus vulnérable – et donc plus puissante encore.

Le coach, le passeur, l’héritier

Un an après l’opération, Jérémy reprend pied dans l’action. Il devient coach de l’équipe de France pour les JO de Paris 2024. Il accompagne notamment Kauli Vaast (or olympique) et sa belle-sœur Vahine Fierro (victorieuse du Tahiti Pro 2024). Ces réussites, il les vit comme les siennes.

« C’était le moment le plus fort de ma carrière. »

Il développe aujourd’hui le projet Héritage, une structure commune entre les fédérations française et tahitienne pour former l’élite de demain, en vue des JO de Los Angeles 2028 et Brisbane 2032.

Au-delà de la vague

L’histoire de Jérémy Florès n’est pas celle d’un homme qui tombe. C’est celle d’un homme qui se relève, encore et encore. Qui ose montrer ses failles, et les transforme en force. Qui apprend à vivre sans gagner, à aimer sans compétition, à se réinventer hors de l’eau.

À ceux qui le regardaient comme un champion, il répond aujourd’hui comme un père, un mari, un homme en quête d’équilibre. Et à tous les jeunes, surfeurs ou non, qui doutent, il adresse ce message : même les héros pleurent. Et ils continuent d’avancer.

Il lui reste 10 % de la tumeur, une épée de Damoclès qu’il apprend à apprivoiser. Mais Florès ne vit plus dans la peur. Il avance, au jour le jour, avec sa famille, ses projets, et une nouvelle vision de la vie. Un message fort à retrouver dans Dos au mur, le 16 juin sur Canal+ Docs.

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