À Saquarema, une série du Challenger Series a mis le feu aux réseaux : Pedro Scooby accuse la WSL de racisme après l’élimination de Weslley Dantas. Mais en y regardant de plus près, le verdict n’est pas si simple.
Dimanche 12 octobre 2025, le spot de Saquarema vibrait au rythme des séries décisives dans la course à la qualification sur le Challenger Series brésilien. Pour plusieurs surfeurs brésiliens, c’était l’ultime chance de décrocher leur billet pour le Championship Tour 2026.
Parmi eux, Weslley Dantas, frère de Wiggolly, solide surfeur plein de puissance, connu pour son surf engagé et explosif. En face : George Pittar (Australie), Lucca Mesinas (Pérou) et Shion Crawford (Hawaï).
Le score final a fait grincer des dents : Pittar obtient 5,67, Dantas 5,73 (en début de série), mais c’est pourtant l’Australien qui passe. Une décision étrange à première vue, amplifiée par le contexte : neuf Brésiliens éliminés le même jour. Il n’en fallait pas plus pour que les réseaux s’enflamment.
C’est Pedro “Scooby” Vianna, surfeur de grosses vagues, figure médiatique et star de la télé brésilienne, qui a allumé la mèche.
Sur Instagram, ses 7 millions d’abonnés ont découvert un message sans détour :
“Les gens croient que seuls les juges du CT ont leurs préférés, mais ça arrive aussi dans le Challenger. C’est incroyable ! Je vais montrer les deux vagues : celle du gringo George Pittar et celle de Weslley Dantas. Impossible de mettre la même note. Bien sûr, Weslley Dantas est noir ; on va me dire qu’il n’y a pas de racisme, mon cul qu’il n’y en a pas, bien sûr qu’il y en a ! Et il n’a pas de sponsor, et il est brésilien »”
Une déclaration choc, aussitôt relayée par la presse brésilienne et internationale. Certains ont salué son courage, d’autres ont pointé du doigt un coup de buzz. Mais au Brésil, où la question du racisme reste brûlante, le message a trouvé un écho immédiat.
Pour comprendre, il faut plonger dans les détails.
La série a été jugée par un panel de cinq officiels : deux Brésiliens, un Australien, un Américain et un Basque. Et surprise : les deux juges les plus sévères ont été… un Brésilien et l’Américain.
Difficile, dans ces conditions, de conclure à une discrimination nationale.
En revanche, plusieurs analystes ont reconnu que les juges avaient sans doute “raté” leur lecture des vagues.
Weslley Dantas a proposé un surf plus radical, des carves puissants, un tail slide engagé ; Pittar, lui, a surfé plus propre, mais moins explosif. Deux styles, deux lectures : le surf est subjectif, et c’est bien là le problème.
Les juges, humains avant tout, peuvent se tromper. Mais la frontière entre erreur d’appréciation et injustice ressentie devient floue dès que la passion entre en jeu.
Ce n’est pas la première fois que le sujet du favoritisme ressurgit.
Gabriel Medina avait parlé du “pire jugement de sa vie” à Bells Beach.
Italo Ferreira ou Filipe Toledo ont plusieurs fois dénoncé des notations incohérentes à El Salvador ou Surf Ranch.
Le surf reste un sport jugé, donc vulnérable à la subjectivité.
Mais là où Scooby dénonce un racisme systémique, les faits montrent plutôt une culture du flou, où la transparence fait défaut.
La WSL, malgré ses outils modernes et ses replays vidéo, peine encore à expliquer les décisions au grand public. Et à l’ère des réseaux, chaque erreur devient un scandale mondial.
Il faut reconnaître que le surf, historiquement dominé par les athlètes blancs australiens, américains et sud-africains, souffre d’un manque de diversité visible.
Les surfeurs noirs, qu’ils soient brésiliens, africains ou américains, restent rares sur le circuit élite.
Dans ce contexte, le cri de Scooby prend une dimension symbolique : il exprime un ras-le-bol, celui de voir des surfeurs talentueux, mais sans sponsors galérer à percer.
Et sur ce point, il a raison : Weslley Dantas n’a pas de sponsor majeur, une anomalie pour un surfeur de son niveau.
Affirmer que les juges ont été mauvais ? Probablement.
Dire qu’ils sont racistes ? Rien ne le prouve.
La vérité est peut-être plus simple : la WSL souffre d’un manque de clarté et de communication.
Une décision floue, sans explication publique, devient vite suspecte.
Et dans un Brésil passionné, où le surf est presque une religion, les mots de Scooby trouvent un terrain explosif.
Mais les faits restent têtus : parmi les juges, deux étaient brésiliens, et aucun élément ne démontre une intention discriminatoire.
Un juge brésilien raciste contre un Brésilien ? C’est peu crédible.
Cette affaire révèle surtout une fracture entre le public et les institutions du surf.
Quand les fans n’ont plus confiance dans les scores, le sport perd en légitimité.
Il est urgent que la WSL repense son système : publication des notes détaillées, justification des scores, analyse vidéo ouverte.
Le surf ne peut plus se contenter de “faire confiance aux juges”.
Pedro Scooby, avec sa notoriété, a mis le doigt là où ça fait mal.
Pas sur le racisme, mais sur la crédibilité d’un système à bout de souffle.
L’affaire Weslley Dantas restera comme l’un des épisodes les plus controversés de la saison.
Oui, les juges se sont trompés. Non, rien ne prouve un racisme intentionnel.
Mais le message de Pedro Scooby, au-delà de la colère, rappelle une chose essentielle :
le surf a besoin de transparence.
Et dans un sport où chaque vague compte, la notation des vagues devrait être aussi fluide qu’un carve bien taillé.