Quand un surfeur basé à Hossegor et un shaper californien conçoivent ensemble une planche sans se voir, cela donne un objet hybride, unique, pensé pour repousser les limites. William Aliotti et Ryan Lovelace n’ont surfé ensemble que deux fois, mais leur collaboration est l’une des plus inspirantes du moment.
Tout commence avec une planche livrée en main propre par un ami. William la teste, l’adopte, et les échanges à distance avec Ryan Lovelace s’enchaînent. Un modèle initial va servir de base à plusieurs itérations : ajustements de concave, réduction de taille, nouvelles combinaisons d’ailerons… jusqu’à ce que la magie opère.
« Si tu attends des résultats précis d’une planche, tu risques la déception », explique Ryan. Il préfère façonner, laisser William tester, puis échanger.
La planche qu’ils développent ensemble est asymétrique : chaque côté est différent pour épouser au mieux la posture du surfeur et son sens de glisse. Ce concept, s’il peut sembler récent, est en fait un héritage du surf des années 60.
Dès 1967, Carl Ekstrom brevète une forme asymétrique. D’autres pionniers comme Bob Cooper ou Scott Dillon expérimentent avec des rails et des tail shapes décalés. Mais ces idées, trop en avance sur leur temps, sombrent dans l’oubli… jusqu’à leur résurgence à San Diego dans les années 2010, avec des shapers comme Ryan Burch ou Donald Brink. Ryan Lovelace, lui, fait le lien entre tradition et modernité.
William n’est pas immédiatement conquis : « Je ne l’aimais pas trop lors de ma première session en France. » Mais sur les longues gauches creuses du Chili, puis dans les tubes interminables de Skeleton Bay, la planche révèle tout son potentiel : ultra rapide, précise, explosive.
Ryan, de son côté, affine son shape à chaque retour de Will. Il cherche les petits détails : là où la planche mord, là où elle accélère, ce qui aide à tourner… « Chaque board est un pas de plus vers quelque chose de plus juste. »
Ce duo fonctionne parce que chacun pousse l’autre : Ryan veut repousser les limites du design, William celles de sa glisse. Ensemble, ils font vivre une planche qui est autant une œuvre artisanale qu’un outil de haute performance.
Et surtout, ils rendent hommage à une idée longtemps mise de côté : l’asymétrie. Une idée qui, entre leurs mains, n’est plus un concept marginal, mais un vrai levier de progression dans le surf moderne.