À première vue, l’Islande n’a rien d’un paradis du surf. Des fjords noyés dans le brouillard, des routes de gravier coupées par la neige, un vent qui mord la peau et un océan à 3 °C avec des blocs de glace. Pourtant, c’est bien ici, au bout du monde, que certains viennent chercher ce que les tropiques n’offriront jamais : le silence, la solitude, et des vagues qui semblent naître de la nuit polaire.
Le surf en Islande, c’est l’aventure dans sa forme la plus brute. Une expérience physique et sensorielle, mais aussi spirituelle. Ceux qui y ont goûté racontent tous la même chose : un mélange d’humilité et d’émerveillement face à la puissance des éléments.
Le surf islandais n’a pas commencé avec Instagram. Bien avant les influenceurs en combi 6/5/4, des photographes et aventuriers comme Elli Thor Magnusson arpentaient les Westfjords pour repérer des vagues jamais surfées. Son approche : explorer l’été, quand les routes sont dégagées, pour revenir en hiver quand la houle et la lumière rasante transforment chaque fjord en décor surréaliste.
Dans ces contrées isolées, le surf relève du miracle : routes fermées, vents tournants, houles capricieuses. Il faut du temps, de la foi, et une bonne dose de folie. Elli Thor, armé de sa caméra et d’un 4x4, a immortalisé des sessions qui ont fait le tour du monde, révélant une Islande à la beauté glaciale, où la mer fume au lever du jour et où chaque take-off se mérite comme une ascension d’alpiniste.
J'ai rencontré Elli lors du Nixon Challenge Islande en 2013, une aventure incroyable dans des conditions glaciales. On n'avait pas été les plus chanceux au niveau de la houle, mais assez pour se rendre compte du réel potentiel de cette île. Souvent les musiques marquent certains voyages, et lors ce trip, je me souviens avoir écouté la BO "into the wild", comme une évidence à notre aventure. Comment ne pas oublier, la chanson de Lykke Li "I follow you" raisonnant dans les rues de Reykjavik.
L’Islande ne se laisse pas apprivoiser facilement. Pour espérer surfer ici, il faut comprendre les saisons et savoir attendre.
Grâce aux progrès spectaculaires des combinaisons modernes, l’Islande est devenue accessible à ceux qui osent. Les néoprènes japonais les plus récents sont souples, légers et incroyablement isolants. Les surfeurs portent ici des combinaisons 6/5/4 mm, avec cagoule intégrée, gants 3 à 5 mm et chaussons 7 mm. Certains ajoutent une sous-couche thermique pour retarder la morsure du froid.
Le vrai ennemi, ce n’est pas l’eau, mais le vent. Par -5 °C et 30 nœuds d’offshore, la moindre goutte devient de la glace en quelques secondes. Garrett Parkes, surfeur australien, racontait :
« On pouvait surfer plus longtemps les jours ensoleillés, mais quand le vent soufflait à 30 nœuds, c’était une bataille pour rester vivant. »
C’est sur la péninsule de Reykjanes, au sud-ouest de l’île, que le surf islandais a pris racine. Les vagues y sont régulières et variées : beachbreaks de sable noir, reefs volcaniques, et quelques gauches qui n’ont rien à envier à l’Atlantique nord. Les surfeurs de Reykjavik s’y retrouvent dès que les conditions s’y prêtent.
C’est là que le surf devient une expédition. Des heures de route à travers des paysages lunaires, parfois interrompus par des rivières gelées à traverser à pied. Les vagues y sont vierges, puissantes, et souvent parfaites… quand elles veulent bien se montrer.
Un décor irréel : des blocs de glace échoués sur le sable noir, une eau turquoise d’où émergent les vagues. Le photographe Chris Burkard y a tourné certaines de ses images les plus célèbres, surfant entre les icebergs dans une lumière surnaturelle.
Le spot le plus célèbre d’Islande, menacé aujourd’hui par un projet d’extension portuaire. La vague de Thorli, un pointbreak parfait, est au cœur d’un combat environnemental mené par la communauté locale et l’association BBFÍ (Brimbrettafélag Íslands). Pour les surfeurs islandais, la disparition de cette vague serait plus qu’une perte sportive : une atteinte à leur patrimoine naturel.
L’Australien Steve Wall, installé en Islande, résume :
« Ici, les gens ont toujours craint la mer. Elle a pris tellement de vies que l’idée même de s’y amuser semblait blasphématoire. Mais aujourd’hui, le surf offre une autre relation à l’océan : de la peur à la fascination. »
En Islande, le surf n’est pas une performance. C’est une expérience. Chaque session demande une préparation minutieuse, des heures de route et de patience. Le line-up est souvent vide, l’air glacé, mais le sentiment d’être seul face à la nature compense tout.
Certains parlent d’un retour aux origines du surf : pas de foule, pas de compétition, juste la recherche du moment parfait, celui où la houle, le vent et la lumière s’alignent. L’Islande oblige à ralentir, à observer, à écouter. Ici, chaque vague compte.
Les surfeurs islandais sont rares, mais passionnés. Ils partagent une philosophie proche des pêcheurs et des montagnards : respecter la nature, car elle peut tout reprendre.
Cette culture naissante, encore fragile, commence à s’organiser. Des associations comme BBFÍ militent pour la protection du littoral et la reconnaissance du surf comme patrimoine culturel. L’Islande, pays des volcans et des tempêtes, pourrait devenir un modèle de surf durable, où aventure et écologie cohabitent.
| Mois / Saison | Température de l’eau (°C) | Conditions moyennes | Épaisseur de combinaison recommandée |
|---|---|---|---|
| Janvier – Mars | 2 à 4 °C | Houles puissantes, tempêtes fréquentes | Au mieux 7mm, au pire 6/5/4 mm + cagoule, gants 5 mm, chaussons 7 mm |
| Avril – Mai | 4 à 6 °C | Houles régulières, routes plus accessibles | 5/4/3 mm + cagoule, gants 7 mm |
| Juin – Août | 7 à 10 °C | Petites houles, jours sans fin | 5/4/3mm ou 4/3 mm gants et chaussons 5 mm |
| Septembre – Octobre | 6 à 8 °C | Meilleure saison : houles solides, vents modérés | 5/4/3 mm ou 6/5/4 mm selon météo, gants et chaussons 5 mm |
| Novembre – Décembre | 3 à 5 °C | Froid intense, houles constantes | 6/5/4 mm + accessoires complets |
⚠️ Les conditions changent vite : surveillez toujours la météo, prévoyez une marge de sécurité et évitez les sessions seul(e). Vous êtes sur une île au milieu des tempêtes de l'Atlantique, ne l'oubliez pas. Autre point, l'eau peut-être beaucoup plus froide s'il y a du vent ou à la sortie des rivières, où des blocs de glace peuvent partager le line-up avec vous.
Le coût de la vie, un frein important
S’il y a bien une chose qui refroidit autant que l’eau islandaise, c’est le coût de la vie. L’Islande figure régulièrement parmi les pays les plus chers du monde, et le surf n’y échappe pas. Une simple nuit dans une auberge de jeunesse peut dépasser les 60 €, un plein d’essence flirte avec les 100 €, et un repas au restaurant tourne vite autour de 30 à 40 €. Même les produits de base — pain, fromage, fruits — coûtent deux à trois fois plus qu’en France.
Les surfeurs qui partent en trip le savent : ici, chaque session se mérite jusque dans le portefeuille. La plupart voyagent en van aménagé ou en 4×4 de location, dorment dans les campings ou sur les parkings des fjords, et cuisinent eux-mêmes pour réduire les dépenses. Louer du matériel sur place est possible, contactez Artic Surfers.
Bref, surfer en Islande, c’est accepter que l’aventure a un prix, mais aussi la satisfaction rare de découvrir un pays resté sauvage, où chaque vague vaut bien plus que quelques couronnes islandaises.
Surfer en Islande, ce n’est pas seulement glisser sur une vague. C’est affronter les éléments, accepter l’inconfort, et renouer avec une nature que l’on ne contrôle plus. Chaque session devient un voyage intérieur.
Sous le ciel violet des aurores boréales, au milieu des fjords silencieux, on comprend que le surf peut être bien plus qu’un sport : une façon de se sentir vivant.