Le monde du surf est en deuil. Clyde Aikau, légende hawaïenne des grosses vagues et dernier représentant direct de l’esprit Aikau, est décédé paisiblement le samedi 3 mai 2025 à son domicile de Waimanalo, à l’âge de 75 ans. Il laisse derrière lui une empreinte immense dans la culture surf et l’histoire d’Hawaï.
Né le 24 octobre 1949 à Kahului, sur l’île de Maui, Clyde Aikau était le plus jeune des six enfants de Solomon “Pops” Aikau et d’Henrietta Aikau. En 1959, la famille s’installe à Oahu, au cœur du North Shore, théâtre des plus célèbres vagues du monde. Avec son frère aîné Eddie, Clyde découvre très tôt les joies – et les dangers – de l’océan.
Tous deux deviennent lifeguards à Waimea Bay, alors que le surf de grosses vagues est en pleine explosion. Ils ne se contentent pas d’assurer la sécurité des baigneurs : ils incarnent l’excellence et la bravoure des watermen hawaïens, ces hommes et femmes capables de lire l’océan comme une langue maternelle.
Le nom des Aikau est indissociable du drame de 1978. Cette année-là, Eddie embarque sur la Hōkūleʻa, une pirogue double inspirée des anciennes embarcations polynésiennes, pour retracer les routes ancestrales de navigation. Lorsque le bateau chavire, Eddie tente de rejoindre la terre à la nage pour chercher du secours. Il n’est jamais revenu.
Pour Clyde, ce fut un bouleversement. Mais au lieu de se replier, il décide de faire vivre la mémoire de son frère. En 1986, il remporte la première édition du Eddie Aikau Big Wave Invitational à Waimea Bay, un événement devenu mythique. Pendant trois décennies, il veille à chaque édition avec un engagement sans faille, allant jusqu’à y participer lui-même jusqu’en 2016, à l’âge de 66 ans.
Au-delà de ses exploits dans les vagues, Clyde Aikau était profondément engagé auprès de la communauté hawaïenne. Il a dirigé un service de Waikiki Beachboys, ces ambassadeurs du surf qui perpétuent les traditions locales tout en accueillant les visiteurs.
Il s’est aussi investi dans le système éducatif, notamment comme lien entre le Département de l’Éducation et les familles sans-abri. Il veillait à ce que chaque enfant ait accès aux fournitures scolaires, au transport et, surtout, à l’éducation. Un combat discret mais fondamental, dans l’esprit de solidarité qui caractérisait toute sa vie.
Clyde n’était pas seulement un athlète et un militant. Il était aussi un homme de musique et de partage. Avec Eddie, il avait pour habitude de jouer de la guitare en slack key, un style traditionnel hawaïen, lors de sessions improvisées avec des amis et des membres de la famille.
Il incarnait parfaitement ce que les Hawaïens appellent l’Aloha Spirit : une manière d’être au monde faite de respect, de générosité, d’écoute et d’amour pour la nature et les autres. Jusqu’à ses derniers jours, malgré ses problèmes cardiaques et un combat contre le cancer du pancréas, Clyde a continué de porter cette énergie bienveillante qui faisait de lui une figure aimée et respectée.
Le décès de Clyde Aikau marque la fin d’une époque. Il était le dernier témoin direct de cette génération de pionniers qui ont élevé le surf de grosses vagues au rang d’art de vivre et de culture. Il était aussi le gardien du nom Aikau, un nom désormais gravé dans l’histoire du surf mondial.
Son fils Haʻa lui a rendu hommage sur Instagram avec ces mots simples et touchants :
« Je vais te manquer papa. Je sais que tu t’amuses dans ta nouvelle aventure comme tu le disais. Je te promets de te représenter. À bientôt. »
Les hommages se multiplient à travers le monde. Du North Shore à la Californie, de Tahiti à l’Australie, tous les surfeurs, jeunes ou vieux, savent ce qu’ils doivent à Clyde Aikau. Il a inspiré des générations de riders à honorer la mer, à protéger leur communauté, à se souvenir de ceux qui ont pavé la voie.
Waimea Bay ne sera plus jamais la même sans lui. Mais chaque houle d’hiver, chaque ride au pied des falaises, chaque rameur solitaire en quête de vagues, portera encore un peu de son héritage. Clyde Aikau ne disparaît pas : il rejoint l’histoire des grands, au large, là où les vagues ne cessent jamais.