Le monde du surf pleure l’un de ses plus grands esprits de l’océan. Ilima Kalama, légendaire waterman hawaïen et père du surfeur et pionnier du tow-in Dave Kalama, est décédé à l’âge de 82 ans. Figure respectée autant pour sa force tranquille que pour son humilité, Ilima laisse derrière lui un héritage immense, empreint de respect pour la mer, la culture hawaïenne et la transmission d’un savoir ancestral.
Né à Honolulu, Ilima Kalama appartient à une lignée de watermen dont la réputation traverse les générations. Son père, Noah, fut l’un des premiers à introduire la pratique de la pirogue hawaïenne (outrigger canoe) sur la côte ouest des États-Unis après avoir déménagé la famille à Newport Beach à la fin des années 1950.
Rapidement, le jeune Ilima s’impose sur les plages de Huntington et Newport. En 1962, il remporte les United States Surfing Championships, l’une des compétitions les plus prestigieuses de l’époque. Sponsorisé par Hobie et Hang Ten, il devient une icône de la culture surf naissante, incarnant l’esprit d’aventure, de liberté et de respect de la nature.
Mais Ilima n’était pas seulement un surfeur. C’était un waterman complet : plongeur, rameur, sauveteur, explorateur. Il vivait la mer dans toutes ses dimensions, au-delà du sport, comme une philosophie.
Dans les années 1970, Ilima participe à une série d’expéditions sur la vague mystérieuse Cortes Bank, un haut-fond perdu au large de la Californie, aujourd’hui célèbre pour ses vagues géantes. C’est là qu’il frôle la mort : lors d’une plongée en apnée, son bateau coule en pleine nuit, à des dizaines de kilomètres de toute terre.
Pendant des heures, Ilima et son compagnon de plongée dérivent dans une eau glacée, à la merci de l’océan. “J’ai pensé à ma famille, à ma mère disparue. J’ai prié, et j’ai senti sa présence. C’est comme si elle me disait de tenir bon.”
Miraculeusement sauvés par un pêcheur, les deux hommes s’en sortent. Quelques semaines plus tard, Ilima retournera plonger sur le même site, incapable d’ignorer l’appel de l’océan.
Cette expérience, racontée dans le livre Ghost Wave de Chris Dixon, résume à elle seule la vie de Kalama : le courage, la foi et le respect de la mer.
Ilima Kalama a transmis sa passion et ses valeurs à son fils Dave Kalama, devenu l’un des watermen les plus respectés au monde. Dave est notamment connu pour avoir, aux côtés de Laird Hamilton, Darrick Doerner et Buzzy Kerbox, inventé le tow-in surfing – cette pratique qui a révolutionné le surf de grosses vagues en permettant de surfer des vagues inaccessibles.
Chez les Kalama, la mer n’est pas un simple terrain de jeu. Elle est un maître exigeant, un miroir spirituel. “Mon père m’a appris à écouter l’océan”, dira souvent Dave. “À ne jamais le défier, mais à danser avec lui.”
En août 2024, Ilima Kalama était intrônisé au Surfers’ Hall of Fame à Huntington Beach. Ses empreintes de mains et de pieds, désormais figées dans le ciment, rejoignent celles des plus grands noms du surf. Un hommage mérité pour un homme dont la vie a incarné, mieux que quiconque, l’essence même du surf : l’humilité face à la nature, la transmission et la gratitude.
Dans son dernier témoignage, Ilima confiait :
“J’ai fait des erreurs, mais la mer m’a toujours pardonné. Je la respecte, je la remercie, et je lui rends tout ce que je peux. Mahalo Ke Akua — merci à Dieu.”
Ilima Kalama s’en est allé comme il a vécu : avec dignité, gratitude et sérénité. Son esprit continue de flotter sur les vagues d’Hawaï, là où tout a commencé. Pour tous les surfeurs, il restera un exemple éternel de ce que signifie être un véritable waterman.